COMITÉ DES FORÊTS

 

QUATORZIÈME SESSION

 

Rome (Italie), 1-5 mars 1999

 

PROBLÈMES ET POSSIBILITÉS DU SECTEUR FORESTIER DANS LE CADRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

A. LES FORÊTS ET LA CONVENTION-CADRE SUR 
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

1. La Convention-cadre sur les changements climatiques des Nations Unies (la "Convention" adoptée à la CNUED en 1992) vise à stabiliser la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère dans le but d'éviter les perturbations anthropiques du système climatique mondial. Au titre de la Convention, les Parties s'engagent à dresser des inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre et des puits, et à s'efforcer de respecter des objectifs volontaires de réduction des émissions. Dans le cadre de la Convention, une phase pilote pour les "activités exécutées conjointement" a été créée pour tester les objectifs de la Convention et en évaluer la faisabilité dans le cadre de projets coopératifs entre les Parties, visant à éviter, fixer ou réduire les émissions de GES. Au 30 août 1998, il existait 97 de ces projets, dont 14 dans le secteur forestier.

2. Les forêts ont un rôle important dans la réduction des flux nets de GES entre la terre et l'atmosphère. Elles servent de réservoirs en stockant le carbone dans la biomasse et les sols; lorsque leur superficie ou leur productivité est accrue, elles servent de puits de carbone, entraînant une absorption majeure de CO2 de l'atmosphère. A l'inverse, elles servent de source de GES lorsque la combustion et la pourriture de la biomasse et les perturbations du sol entraînent des émissions de CO2 et d'autres GES. Les changements d'affectation des terres (surtout le déboisement dans les zones tropicales) représentent actuellement près de 20 pour cent des émissions anthropiques de CO2 dans le monde. Les bonnes pratiques d'aménagement forestier peuvent entraîner des réductions nettes rentables des émissions de GES, soit en diminuant la contribution des forêts aux émissions mondiales nettes, soit en renforçant leur rôle de puits de carbone. En fournissant des matériaux et des combustibles renouvelables - ce qui permet d'utiliser moins de combustibles fossiles - et en maintenant leur rôle de réservoir de carbone, les forêts peuvent contribuer à limiter durablement les changements climatiques.

3. L'ampleur des avantages tirés des activités du secteur forestier dépendra de la quantité de terres disponibles, de l'amélioration de la productivité des forêts et des progrès techniques qui permettront d'exploiter et d'utiliser de façon plus efficace les produits forestiers.

4. Diverses pratiques d'aménagement forestier aident à ralentir l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère:

5. La quantification de la contribution des forêts à la réduction des émissions de CO2 nécessitera une prise en compte globale des sources et des puits de carbone associés dans le temps et une analyse complète des autres critères environnementaux et socio-économiques qui influent sur les choix en matière d'aménagement forestier.

6. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime qu'entre 1995 et 2050, la fixation du carbone à l'échelle mondiale découlant de la réduction du déboisement, de la régénération des forêts et du développement accru des plantations et de l'agroforesterie pourrait représenter de 12 à 15 pour cent des émissions de carbone des combustibles fossiles.

B. LE PROTOCOLE DE KYOTO

7. Le Protocole de Kyoto a été adopté à la troisième Conférence des Parties (COP-3) de la Convention-cadre sur les changements climatiques (Kyoto, Japon, décembre 1997). Il établit des engagements ayant force d'obligation pour que les pays de l'Annexe I (pays développés et pays à économie en transition) réduisent leurs émissions globales de six GES à 5 pour cent au moins en dessous des niveaux de 1990 entre 2008 et 2012 (première période d'engagement) et il contient des dispositions concernant l'utilisation d'activités humaines directement liées au changement d'affectation des terres et à la foresterie pour définir et satisfaire les objectifs nationaux de réduction des émissions.

C. RÉFÉRENCES SPÉCIFIQUES AUX FORÊTS ET À LA FORESTERIE DANS LE PROTOCOLE DE KYOTO

8. Les Articles 2, 3, 6, 12 et 17 du Protocole de Kyoto traitent spécifiquement de la foresterie et des changements d'affectation des terres. A l'Article 2, chaque Partie accepte de protéger et d'accroître les puits et les réservoirs de GES par la promotion de pratiques d'aménagement forestier durable et l'utilisation accrue de sources d'énergie nouvelles et renouvelables (comme l'énergie dérivée du bois) pour compenser les émissions de carbone fossile; et les Articles 3.3 et 3.4 définissent la portée des changements d'affectation des terres et des activités forestières qui peuvent être utilisés pour satisfaire les engagements nationaux en matière de réduction des émissions; les Articles 6, 12 et 17 définissent plusieurs mécanismes visant à réduire les émissions de GES et/ou augmenter les suppressions de GES: Aucun de ces mécanismes ne prévoit des principes, des modalités, des procédures, des règles ou des directives clairs et bien définis.

9. Le langage utilisé dans le Protocole de Kyoto fait actuellement l'objet d'un examen approfondi et de nombreuses questions importantes doivent être résolues. A sa huitième session (juin 1998), l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) a demandé que la Convention élabore un rapport spécial avant juin 2000 sur les émissions de carbone par les sources et l'absorption par les puits par le biais de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie. Ce rapport, qui sera achevé en juin 2000, doit aider à éclaircir les conséquences du Protocole de Kyoto pour les changements d'affectation des terres. Un plan détaillé a été préparé et des auteurs et des commentateurs ont été proposés lors d'une réunion organisée par la Convention au Siège de la FAO, à Rome, en septembre 1998 et l'Organisation participera à cette étude. Le SBSTA a également organisé un atelier sur l'Article 3.3 au Siège de la FAO, en septembre 1998, au cours duquel des spécialistes de l'Organisation ont présenté la méthodologie utilisée et les éléments des définitions et un second atelier SBSTA se tiendra aux Etats-Unis en mars 1999.

Résultats de la COP-4

10. La COP-4 (novembre 1998) a adopté une décision détaillée comprenant un programme de travail sur les mécanismes (ECCC/CP/1998/L.21). Ce programme prévoit, entre autres, l'établissement de priorités pour les mécanismes de développement propre; une décision finale à la COP-6 sur l'Article 6 (unités de réduction d'émissions), l'Article 12 (mécanisme de développement propre) et l'Article 17 (achat d'émissions) ainsi qu'un plan, qui sera préparé par le Secrétariat, pour faciliter la participation des pays en développement aux mécanismes de développement propre (surtout les petits Etats insulaires et les pays les moins avancés).

11. Une décision de la COP-4 sur l'affectation des terres, les changements d'affectation des terres et la foresterie (FCCC/CP/1998/L.5) a fourni, entre autres, des éclaircissements pour l'interprétation de l'Article 3.3 sur les variations vérifiables des stocks de carbone assignées aux Parties et a permis d'approuver les conclusions de la huitième session du SBSTA sur cette question. Le Comité a également recommandé que la COP, après l'achèvement du rapport spécial de la Convention, adopte des décisions provisoires:

D. QUESTIONS NÉCESSITANT DES ÉCLAIRCISSEMENTS

12. Les directives révisées de 1996 du GIEC concernant les inventaires nationaux des gaz à effet de serre ne visent pas à produire des inventaires des activités liées au changement d'affectation des terres et à la foresterie comme le boisement, le reboisement et le déboisement. Des travaux supplémentaires seront donc nécessaires pour établir les modalités, les règles et les directives pour l'application des dispositions du Protocole de Kyoto en matière de changement d'affectation des terres et de foresterie.

13. Les avantages sur le plan des GES tirés des changements d'affectation des terres et des activités forestières risquent d'être plus incertains et moins définitifs que les avantages tirés des activités d'autres secteurs, en particulier celui de l'énergie. C'est pourquoi certaines Parties ont mis en doute le fait de compter sur des réductions des émissions dans le secteur de la foresterie et des changements d'affectation des terres.

14. Il faudrait en outre préciser quelles activités liées à la foresterie et au changement d'affectation des terres pourraient être incluses dans les programmes nationaux de réduction des GES, l'échange de projets de réduction des émissions de GES entre les Parties figurant à l'Annexe I, et les projets de développement propre au titre du Protocole de Kyoto. La question de savoir si les projets forestiers dans les tropiques visant la fixation du carbone pourront bénéficier de crédits pour la réduction certifiée des émissions au titre de l'aménagement propre, est cruciale pour le nouveau marché mondial du carbone.

15. Des termes essentiels du Protocole de Kyoto comme "reboisement" et "forêt" doivent être définis avec précision; d'autres comme "inférieur à la biomasse terrestre" pour la mesure du couvert végétal, sont difficiles à quantifier.

E. CONTRIBUTION ET RÔLE FUTUR ÉVENTUEL DE LA FAO

16. La FAO a aidé le GIEC et le Secrétariat de la Convention (SBSTA) en fournissant des avis sur la terminologie et la cohérence des définitions et des méthodes, et elle a participé à l'Atelier du GIEC à Dakar sur les produits de l'exploitation forestière (mai 1998).

17. De nombreux fonctionnaires du Département des forêts sont membres du Groupe de travail interdépartemental ad hoc de la FAO sur le climat, qui coordonne les activités et les apports de la FAO concernant la Convention. Une équipe spéciale de foresterie sur la fixation du carbone, regroupant des fonctionnaires du Département des forêts et des membres des unités intéressées des autres départements, a été créée en juillet 1998, afin de promouvoir et de coordonner les activités dans ce domaine.

18. La FAO distribue des informations aux Etats Membres sur les perspectives du secteur forestier dans le cadre du Protocole de Kyoto. Trois publications régionales sont actuellement produites. La première, sur les possibilités et les contraintes des investissements pour la compensation des émissions d'oxyde de carbone dans le secteur forestier dans la région Asie-Pacifique a été publiée en mai 1998; une publication similaire pour l'Amérique latine et les Caraïbes est prévue pour février 1999 et une troisième est en préparation pour l'Afrique.

19. Des projets de soutien aux pays intéressés à développer leurs activités au titre du Protocole de Kyoto sont actuellement formulés, comme le projet de fonds fiduciaires des Pays-Bas pour la sous-région de l'Amérique centrale.

20. A long terme, l'aide de la FAO à la Convention et aux Etats Membres pour la mise en place du Protocole consistera à:

21. Si le mécanisme de développement propre inclut des projets forestiers dans les pays en développement visant la fixation du carbone, la FAO pourrait jouer un rôle très important en conseillant les investisseurs et les gouvernements en ce qui concerne les aspects techniques de l'identification des projets; en les aidant à formuler et exécuter les projets de fixation et de substitution du carbone; et si possible en les aidant à certifier les crédits de réduction des émissions.

22. Les modalités d'une collaboration future entre la FAO et le Secrétariat de la Convention dans ces domaines devront être mises au point. Il faudra également examiner de plus près les modalités d'un effort interinstitutions de certaines des organisations représentées dans l'Equipe de travail interorganisations sur les forêts (question examinée à la session d'août 1998 de l'ITFF).